Summaries Sunday: SOQUIJ
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RESPONSABILITÉ : C’est l’exercice abusif ou déraisonnable du pouvoir discrétionnaire empreint de mauvaise foi ou s’apparentant à une faute lourde, à de l’incurie ou à une insouciance grave qui peut conduire à retenir la responsabilité de l’État, par opposition à l’exercice erroné de ce pouvoir; en l’espèce, la juge de première instance a bien compris la nuance et a conclu que l’Agence du revenu du Québec et son personnel n’avaient pas abusé de leur pouvoir discrétionnaire.
Intitulé : Restaurant Le Relais de Saint-Jean inc. c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 823
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Yves-Marie Morissette, Dominique Bélanger et Lucie Fournier
Date : 18 juin 2020
RESPONSABILITÉ — responsabilité de l’État — Agence du revenu du Québec — procureur général du Canada — Agence du revenu du Canada — commettant — vérificateur — vérification fiscale — restaurant — calcul des ventes — Cour canadienne de l’impôt — cotisation fiscale — annulation — fait juridique — méthode indirecte — pouvoir discrétionnaire — mesures de perception — prescription extinctive.
RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait des autres — commettant — Agence du revenu du Québec — procureur général du Canada — Agence du revenu du Canada — vérificateur — vérification fiscale — restaurant — calcul des ventes — Cour canadienne de l’impôt — fait juridique — cotisation fiscale — annulation — fait juridique — méthode indirecte — pouvoir discrétionnaire — mesures de perception — prescription extinctive.
PRESCRIPTION EXTINCTIVE — délai — recours en dommages-intérêts — responsabilité civile — responsabilité de l’État — Agence du revenu du Québec — Agence du revenu du Canada — vérification fiscale — cotisation fiscale — annulation — Cour canadienne de l’impôt — fait juridique — point de départ du calcul du délai.
FISCALITÉ — divers — Cour supérieure — recours en dommages-intérêts — responsabilité civile — responsabilité de l’État — Agence du revenu du Québec — Agence du revenu du Canada — vérification fiscale — cotisation fiscale — annulation — Cour canadienne de l’impôt — fait juridique — méthode indirecte — pouvoir discrétionnaire — mesures de perception — prescription extinctive.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un recours en responsabilité civile. Rejeté.
Le 15 octobre 2009, la Cour canadienne de l’impôt (CCI) a accueilli l’appel de l’appelante, l’entreprise Restaurant Le Relais de Saint-Jean inc., et a annulé les avis de cotisation en taxes délivrés par l’Agence du revenu du Québec (ARQ) pour les années 2002 et 2003 ainsi que les intérêts et les pénalités s’y rapportant. Le 26 novembre suivant, l’appelante et l’Agence du revenu du Canada (ARC) ont donc signé un consentement à jugement devant la CCI relativement aux cotisations en impôt sur le revenu fédéral. Une entente est aussi intervenue avec l’ARQ, le 1er décembre 2009, comprenant une déclaration de règlement à l’amiable devant la Cour du Québec ainsi qu’une transaction devant la CCI. Le 15 octobre 2012, l’appelante et son administrateur, Chionis, ont intenté le présent recours en responsabilité civile contre l’ARQ et l’ARC devant la Cour supérieure. La base juridique de leur recours repose sur le fait que les agissements des agences gouvernementales leur auraient causé des dommages considérables. Ils relèvent plusieurs fautes: 1) avoir entrepris et conduit abusivement une vérification quant aux taxes; 2) avoir délivré des projets de cotisation abusifs; 3) avoir procédé à des mesures de perception abusives; et 4) avoir abusivement retardé le remboursement de sommes perçues sans droit. La juge de première instance a conclu à la prescription d’une partie des réclamations des appelants et a estimé que Chionis n’avait pas l’intérêt juridique nécessaire pour poursuivre. Ensuite, elle a examiné les agissements de chacun des acteurs en cause avant de conclure à l’absence de faute. Les appelants soutiennent notamment que la juge aurait dû s’estimer liée par l’autorité de la chose jugée en ce qui a trait aux déterminations de la CCI, dont celle relative à l’utilisation d’une méthode de vérification qui n’était pas justifiée.
Décision
Mme la juge Bélanger: La juge de première instance a commis une erreur en affirmant que le jugement de la CCI ne constituait pas le point de départ de la prescription et que, même si les cotisations avaient été confirmées par cette cour, les appelants auraient pu tenter de convaincre un tribunal de droit commun que celles-ci étaient abusives. En l’espèce, tant que le résultat de leur opposition aux avis de cotisation n’était pas connu, les appelants ignoraient si la conduite fautive alléguée aurait un effet sur la validité des cotisations. Ils devaient donc connaître le sort des cotisations avant de poursuivre l’ARQ. Ainsi, la concrétisation du préjudice était tributaire du jugement de la CCI. Puisque c’est le moment auquel le préjudice se manifeste véritablement qui constitue le point de départ de la prescription, le recours des appelants n’était pas prescrit.
En ce qui concerne l’effet de la décision de la CCI quant à la faute, la juge devait prendre acte du fait que cette cour avait décidé que l’emploi de la méthode indirecte était injustifié. Ce fait juridique important devait conduire la juge à affirmer que l’ARQ avait commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en utilisant cette méthode de vérification. L’utilisation d’une méthode indirecte est en soi imparfaite et comporte sa part d’arbitraire, car il s’agit d’une solution de dernier recours qu’utilise le fisc quand les informations fournies par le contribuable ne sont pas fiables ou qu’elles sont inexistantes. D’ailleurs, un vérificateur qui se voit confier la tâche de procéder à une vérification en matière de taxes doit d’abord tenter d’adopter l’approche traditionnelle. En outre, la jurisprudence considère que la réunion de plusieurs anomalies ou incohérences peut justifier le recours à une méthode de reconstitution des ventes par sondage. D’autre part, ce n’est pas dans tous les cas où le pouvoir discrétionnaire n’a pas été bien exercé que l’autorité gouvernementale pourra être tenue responsable des dommages. En effet, c’est l’exercice abusif ou déraisonnable du pouvoir discrétionnaire, lequel serait empreint de mauvaise foi ou s’apparenterait à une faute lourde, à de l’incurie ou à de l’insouciance grave, qui peut conduire à retenir la responsabilité de l’État, par opposition à l’exercice erroné de ce pouvoir discrétionnaire. La juge a bien compris la nuance avant de conclure que l’ARQ et son personnel n’avaient pas abusé de leurs pouvoirs discrétionnaires. À cet égard, ses déterminations factuelles, qui ont rejeté les reproches relatifs à une conduite abusive adoptée lors de la vérification en matière de taxes ainsi qu’à l’occasion de la délivrance des projets et des avis de cotisation se rapportant aux taxes et à l’impôt provincial des sociétés, sont à l’abri de toute intervention.
Quant aux mesures de perception qu’elle a exercées, l’ARC a soutenu avec succès que la saisie avait été pratiquée 5 mois après l’établissement des cotisations et après que les appelants eurent omis de répondre à de nombreuses communications ainsi que de s’opposer à la cotisation dans le délai prescrit. Ce constat est aussi à l’abri de toute intervention et prend racine dans la preuve. Enfin, la juge a estimé que le délai de 4 mois qui avait été nécessaire pour le remboursement de la part de l’ARQ n’était pas déraisonnable. Les appelants n’invoquent aucun argument permettant l’intervention de la Cour, si ce n’est qu’ils ne sont pas d’accord avec la conclusion de la juge. Compte tenu de la conclusion relative à l’absence de faute génératrice de responsabilité, il n’est ni utile ni nécessaire de se prononcer sur les autres arguments des appelants.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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