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PÉNAL (DROIT) : La peine de détention pour suramende impayée doit être purgée de façon consécutive non seulement à la peine imposée pour l’infraction qui a entraîné l’imposition de la suramende, mais également à l’égard de toute autre peine que le contrevenant aurait à purger.

Intitulé : R. c. Chaussé, 2014 QCCQ 5234 *
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Saint-François (Sherbrooke), 450-01-086284-143
Décision de : Juge Conrad Chapdelaine
Date : 18 juin 2014

PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — nature des peines — suramende compensatoire — modification législative — peine minimale obligatoire — renonciation au délai de paiement — administration de la peine — percepteur des amendes — interprétation de l’article 737 (1) C.Cr. — intention du législateur — peine consécutive.

PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — infractions contre la personne — voies de fait — voies de fait simples — suramende compensatoire — peine minimale obligatoire — renonciation au délai de paiement — administration de la peine — percepteur des amendes — peine consécutive.

Jugement relatif à l’imposition d’une suramende compensatoire.

L’accusée a été reconnue coupable de voies de fait commises à l’endroit d’un agent de la paix et sous deux accusations de menaces de mort, ce qui a entraîné l’imposition automatique d’une suramende de 200 $ par chef d’accusation, soit 600 $. Âgée de 40 ans, elle vit de prestations d’aide sociale. Elle est incapable de s’acquitter des suramendes et renonce au délai statutaire de 45 jours pour les payer. Elle demande à être condamnée à une peine de détention ferme à purger de façon concurrente à celle de 60 jours déjà imposée. Le ministère public s’y oppose, soutenant que, même si l’accusée a renoncé au délai de 45 jours pour le paiement de la suramende, il revient plutôt au percepteur des amendes d’examiner d’autres mesures que le paiement dans le délai prévu (extension de délai, travaux compensatoires). Il s’agit de déterminer, d’une part, si un contrevenant condamné à une peine d’emprisonnement peut renoncer au délai statutaire déterminé par décret pour le paiement de la suramende et, dans l’affirmative, si le tribunal peut en prendre acte, constater le défaut et procéder selon les prescriptions de l’article 734.7 du Code criminel (C.Cr.), et, d’autre part, si la peine de détention qui en découle doit être purgée de façon consécutive à toute autre peine, vu les dispositions de l’article 737 (1) C.Cr.

Décision
La Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes est entrée en vigueur le 24 octobre 2013 et a modifié de façon importante le droit existant. En abrogeant les paragraphes 5 et 6 de l’article 737 C.Cr., le législateur a retiré au tribunal le pouvoir discrétionnaire d’imposer ou non la suramende si le contrevenant fait la démonstration qu’une telle suramende lui causerait un préjudice injustifié. Le seul pouvoir discrétionnaire que le législateur a choisi de laisser au tribunal est celui de majorer le montant de la suramende (art. 737 (3) C.Cr.) et d’accorder un délai approprié lorsque la suramende est accompagnée d’une amende. La suramende est donc appliquée de façon automatique et systématique, sans égard à la situation du contrevenant. Quant au montant, il est prédéterminé et les délais pour le payer varient selon qu’une amende a été ou non imposée. Enfin, l’article 737 (9) C.Cr. prévoit que, si le contrevenant est dans l’incapacité de payer, il pourra se prévaloir du mode facultatif de paiement prévu à l’article 736 C.Cr. (travaux compensatoires, prolongation du délai ou étalement pour le paiement de l’amende). Les termes utilisés sont clairs, et l’intention du législateur l’est tout autant. Ainsi que la jurisprudence l’a reconnu, la suramende est une peine et si, dans certains cas, l’imposition de celle-ci peut paraître à sa face même disproportionnée, il n’appartient pas au tribunal de tenter de contourner la volonté claire du législateur en imposant une peine inadéquate ou artificielle, par exemple d’infimes amendes. La suramende est désormais une peine minimale obligatoire imposée par la loi et elle pourrait devenir, par un effet cumulatif dans certains cas, complètement disproportionnée par rapport à la gravité des infractions commises. La seule voie possible est alors d’en contester la constitutionnalité, ce que l’accusée n’a pas fait. En imposant une suramende minimale obligatoire sans égard à la capacité du contrevenant, le législateur a voulu créer une exception aux principes usuels de détermination des peines. Quant au rôle du percepteur des amendes et des suramendes, ce dernier tire ses pouvoirs de recouvrement du chapitre XIII (art. 315 à 366.2) du Code de procédure pénale. Or, une fois la suramende imposée par l’application de la loi, l’administration de cette peine ne relève pas du tribunal, mais du percepteur, qui est chargé par la loi de sa perception. Dans ces circonstances, la renonciation aux délais pour le paiement de la suramende faite par l’accusée doit plutôt être adressée au percepteur des amendes (R. c. Wu (C.S. Can., 2003-12-18), 2003 CSC 73, SOQUIJ AZ-50211703, J.E. 2004-142, [2003] 3 R.C.S. 530). Par conséquent, le tribunal ne peut prendre acte de la renonciation aux délais exprimée par l’accusée ni y donner suite; il est forclos, à ce stade, de constater l’omission de paiement et d’imposer une peine de détention. Enfin, le libellé de l’article 737 (1) C.Cr. est clair et ne souffre d’aucune ambiguïté. La peine de détention pour suramende impayée doit être purgée de façon consécutive non seulement à la peine imposée pour l’infraction qui a entraîné l’imposition de la suramende, mais également à l’égard de toute autre peine que le contrevenant aurait à purger. Même si l’imposition d’une suramende découle de la même situation ou des mêmes faits que l’infraction qui l’a entraînée et que, en principe, des peines concurrentes devraient s’appliquer, procéder ainsi contournerait l’intention clairement exprimée par le législateur. Seuls les principes de proportionnalité et de globalité des peines pourraient empêcher l’imposition de peines consécutives, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Suivi : Requête pour permission d’appeler, 2014-07-18 (C.A.), 500-10-005690-142.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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